Chemin de Saint Jacques en VALLEE d’OSSAU : le Col de Peyrelue (24-25 Juin 2006)

Samedi 24 JUIN 2006 : Etape LARUNS - GABAS Ils sont bien matinaux et courageux ces pèlerins qui quittent Laruns, point de départ de la vallée d’Ossau, sous un ciel peu engageant, pour se lancer en direction de l’Espagne par l’ancienne route creusée dans le rocher des Gorges de Hourat. Les voyageurs reconnaissants d’être rentrés sains et saufs ont laissé leurs ex-voto dans l’Oratoire consacré à Notre-Dame du Hourat. Sur l’autre paroi est gravée une Ode aux Rochers composée en latin par Catherine de Navarre. Mais bientôt, le sentier jacquaire qui vient d’être rénové sur cette voie très ancienne, mais trop souvent négligée voire oubliée, permet de gagner agréablement l’Etablissement thermal des Eaux-Chaudes. Après avoir traversé la passerelle, il faut encore grimper la vieille piste qui prolonge la promenade des curistes jusqu’au village de Goust avant de redescendre en passant devant la grotte de la Vierge de Goust par la route jusqu’à l’aire de pique-nique.
Les feuilles des arbres qui abritent les lacets du sentier qu’il faut gravir protègent des gouttes de pluie dans cette forêt qui borde le gave ... et la descente permettra de souffler avant de remonter jusqu’à la route qui mène à Gabas, dernier village avant la frontière, où l’humble chapelle du XII° siècle accueillait déjà les pèlerins en route sur ce Chemin du Piémont pyrénéen. Cet ancien hospice dépendait de Sainte Christine du Somport..
Au terme de cette étape d’une quinzaine de kilomètres, le groupe sera confortablement hébergé à Béost dans une demeure seigneuriale, appelée parfois « château d’Aramitz, » dominée par sa haute tour carrée : cette abbaye laïque fût construite au XII° siècle sur le chemin d’Arles à Compostelle comme relais à mi-distance entre les hospices de Mifaget et de Gabas pour les pèlerins de Saint Jacques. La tradition d’accueil y est toujours respectée aujourd’hui grâce à l’association « Los Auzelets » et à l’initiative de son Président qui a œuvré pendant quarante années pour que cette demeure qui menaçait ruine soit restaurée et garde sa vocation première au service des pèlerins de Compostelle. Suprême raffinement : Une fenêtre creusée dans le mur de l’église leur permettait autrefois de suivre l’office ... depuis leur lit.
L’église romane de Béost est consacrée à Saint-Jacques le Majeur et abrite une statue du Saint en pèlerin. Sur le seuil, une pierre noire et une pierre blanche rappellent symboliquement au fidèle qu’il va ressortir plus pur qu’à son arrivée. Dieu le Père trône au-dessus du tympan où figure le Christ entouré des apôtres. Cette représentation du Christ pourrait être confondue avec Saint Jean Baptiste si les pieds ne portaient les traces de clous du Crucifié.
Dans ce village dédié à l’accueil des pèlerins, la Révolution a laissé des traces de ses excès : sur la façade de l’église, deux saints ont été défigurés, (justice immanente : le vandale aurait été aveuglé,) et sur les inscriptions au-dessus des portes des maisons du XVI° siècle les fleurs de lys ont été martelées. Autre signe : près de la fontaine, une stèle fait référence au calendrier républicain : « Ceci a été fait par la prudence de Jacques Pes dit Trey, l’an huit de la République ».

DIMANCHE 25 JUIN 2006 : Etape Col de Peyrelue - Sallent de Gallego En contrebas du Caillou de Soques, les ruines d’un refuge attestent du passage des pèlerins sur cet itinéraire. Il faut bientôt franchir à gué l’un des torrents qui alimentent le gave, puis remonter jusqu’à la Nationale par un sentier détrempé par les pluies de la nuit. Une pause permet de faire connaissance avec les membres de l’Association espagnole venues à notre rencontre, avant d’amorcer en douceur une montée en lacets jusqu’à une cabane de bergers qui offre une vue panoramique sur la vallée. Cette montée et le retour du soleil permettent de découvrir le Pic du Midi d’Ossau, silhouette bien caractéristique dont l’une des dents reste encapuchonnée de brouillard sur l’autre versant. A l’approche du port, le vent s’engouffre dans l’ouverture de ce col largement évasé et le pique-nique s’abritera derrière un gros rocher non loin des ruines d’une cabane de berger ... où ne subsiste aucune trace de charpente. En effet, les murs n’étaient recouverts que d’une bâche louée au propriétaire de ce modeste bâtiment aux murs de pierres montés sans aucun joint.
Bornes et flèches jaunes vont guider la descente en direction de la vieille piste du Pourtalet et de la route d’accès à la station de ski de FORMIGAL créée en 1964 à l’ombre du Pic des Tres Hombres. Un accueil chaleureux effacera les fatigues de l’ascension jusqu’au Col de Peyrelue (1839 m) qu’on désigne également sous le nom de Port Vieux de Sallent et qui fait communiquer la vallée d’Ossau en Béarn et la haute vallée de Tena en Aragon. Une pause réparatrice inattendue viendra surprendre notre petite troupe qui s’échelonne dans la descente où fleurissent, encore timidement, les iris bleus : une poignée de cerises, une tasse de café chaud et une gorgée de pacharan, quel accueil ! Ces réconforts généreusement offerts feront la preuve de leurs vertus énergétiques lors de la descente jusqu’à l’église de Formigal. Transplantée du village abandonné de Basaran et flanquée d’une tour-clocher à l’image de celui de l’église de San Pedro de Larrede, c’est une illustration parfaite de l’architecture mozarabe. Cette minorité chrétienne en territoire musulman restait farouchement attachée à la liberté de culte sous la domination arabe mais subissait néanmoins l’influence de l’architecture mauresque. Elle abrite de plus un bénitier gravé de deux chrismes, mais dont la forme rectangulaire ne laisse pas d’intriguer tant elle est insolite. Le GR aboutit finalement à l’entrée de Sallent de Gallego où les blasons ornent fièrement les façades des maisons. La visite de l’Eglise Notre Dame permet de s’émerveiller devant la richesse du retable réalisé à Saragosse puis amené à dos de mulet pour orner cette église gothique du XV° siècle. La bénédiction des pèlerins viendra conclure ce week-end sur les Chemins du Piémont avant le retour qui permettra encore de jeter un coup d’œil sur le pont romain et sur le Lac de Lanuza.
La parfaite organisation de Jean-Louis Cazamea, la tradition de chaleureuse hospitalité du village de Béost, l’étroite et sympathique collaboration avec l’association espagnole pour les visites de Formigal et de Sallent de Gallego, la bénédiction des pèlerins par le curé de cette paroisse, tout a concouru à faire revivre sur cet itinéraire dans la vallée d’Ossau l’esprit du Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Un « lever de rideau » particulièrement réussi avant l’inauguration officielle, la semaine prochaine, de la nouvelle voie tracée dans cette magnifique région sur les traces de cette route jacquaire très ancienne quasiment abandonnée depuis le XV ème siècle : elle méritait bien d’être redécouverte, remise en état, balisée et ouverte à nouveau pour le plus grand plaisir de ceux qui choisissent d’être encore à notre époque de modestes « voyageurs à pied. »