Chemin de grâce

Pour celui ou celle qui a décidé de faire le Chemin en pèlerin, quelque soit son niveau de croyance, j’ai le sentiment que des grâces spéciales sont accordées. Faire le Chemin en pèlerin, suppose d’entrer dans une démarche différente de celle du touriste ou du randonneur. Le touriste est celui qui cherche d’abord à voir les belles choses. Il évite soigneusement toutes les contraintes et les difficultés du Chemin. Il est d’abord guidé par le plaisir de visiter une contrée, des monuments, de se renseigner sur les coutumes locales, de goûter les plats régionaux, de rencontrer des gens... Toutes choses que peut aussi faire le pèlerin mais dans son cas elles seront secondaires. La cathédrale de Santiago est loin d’être la priorité du touriste et durant son périple, il s’entourera de toutes les sécurités. Le randonneur est d’abord et avant tout un passionné de la marche. Il est en général très respectueux de l’environnement. C’est quelqu’un qui pratique habituellement la marche durant ses loisirs. Pour lui, le contact avec la nature est un élément essentiel. Après avoir " fait " Compostelle, il fera peut-être le GR 20 en Corse ou bien la " route de la soie " ou autre chose encore... Le pèlerin entre dans une démarche assez différente. Il n’est pas nécessairement croyant. Il a une quête intérieure profonde même si elle n’est pas explicite. Il sent qu’il y a quelque chose à découvrir qui le dépasse. C’est pour cela qu’il s’est mis en route sur ce Chemin mythique. Parfois, il acceptera un certain dépouillement, un peu comme abandonné à la Providence.
Il acceptera assez bien l’inconfort de certains gîtes et le fait de souffrir un peu fera, en quelque sorte, partie de la règle du jeu.
J’aimerais rapporter une petite conversation que j’ai eue avec le patron d’un bar dans un petit village, " avé son accent du midi. "

  • Vous devez en voir passer des pèlerins à cette époque de l’année.
  • Oh oui ! Mais il y a aussi les touristes sur le Chemin de St Jacques.
  • Ah bon ? Et vous êtes capable de faire la différence ?
  • Oh ! ben c’est facile ! Si c’est des touristes, les femmes elles ont les boucles d’oreilles, elles ont leur portable, la voiture elle est pas loin, et elles sont toujours à se plaindre de ci et de çà, et que le gîte il est pas comme y faut et patati et patata...
    Le pèlerin, il ne dit RIEN... ! on l’entend pas, il ne se plaint jamais.

Cette remarque est quand même un fameux témoignage. Le pèlerin est quelqu’un qui, d’emblée, accueille ce qui vient. C’est la meilleure attitude pour que la grâce puisse passer. Dès lors parmi les nombreux événements qui pourront se présenter sur un Chemin aussi long et selon la réceptivité de chacun, l’Esprit Saint, qui est donné à tous, pourra faire son œuvre. Je donnerai un exemple, a contrario, de ce que devrait être le comportement du pèlerin.
Alors que je finissais de gravir une longue côte en Galice, je vis, sur le côté, une grosse pierre plate sur laquelle un " pèlerin " avait laissé ses réflexions inscrites au feutre noir. Je n’oserais dire ici, en quels termes vulgaires cet individu se plaignait de la fatigue que lui avait causé une montée ardue. Il voulait sans doute faire de l’humour et les hommes ont parfois besoin de crier leur colère, même aux pierres s’il le faut.
Malheureusement je n’avais pas de quoi écrire. Sans quoi j’aurais écrit à côté :

" Dans la vie aussi, tu ne seras qu’un touriste,
ou tu seras pèlerin.
Le touriste veut d’abord son plaisir,
Le pèlerin accepte de souffrir...

Pour aller plus loin.
ULTREÏA ! "