(FRA. St Jean Pied de Port, A. Amis Chemin St J. Pyrénées Atlantiques. 2009) : histoire du pèlerinage vers St Jacques de Compostelle à travers le Pays Basque.

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  • 18 août 2009
    Bernard Delhomme

    « Nos Guilhem[…] archevesque de Arles, […] passames par un leu que sapele Sent Palais dou dit reaume de Navarre ». Le 18 novembre 1361, l’archevêque d’Arles traversait la Basse-Navarre, avec 30 chevaux et palefrois, 24 mules et mulets, 80 épées, et 2000 pièces d’or. Dispensé de péage, il bénéficiait d’un sauf-conduit du roi de Navarre Charles II.
    Un siècle plus tôt, le prieur de Saint-Gilles, lieutenant du grand prieur de Chypre, de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, gagnait par la même voie Roncevaux et Pampelune.

    Nombreux sont ainsi les témoignages relatés dans cet ouvrage par le Dr. Clément Urrutibéhéty soulignant la prépondérance du passage par les ports de Cize vers Roncevaux à partir du XIIIe siècle. L’auteur explique comment au XIe siècle l’abbaye royale navarraise de Leyre y soutenait déjà deux formations hospitalières, l’une à Saint-Michel-Pied-de-Port, l’autre au col d’Ibañeta. Et comment à la fin du XIIe siècle Saint-Jacques-de-Compostelle prend possession des deux hôpitaux fusionnés de Saint-Michel-Pied-de-Port, à près de 800 km de distance !

    Cette impulsion initiale va se concrétiser au XIIIe siècle par l’expansion de la collégiale de Roncevaux, qui reprend peu à peu la plupart de ces formations. Ainsi se met en place un important dispositif hospitalier soutenu économiquement par des commanderies. Roncevaux, lieu mythique, devient alors le pôle d’attraction pour les pèlerins qui, en route vers Saint-Jacques de Compostelle, délaissent le passage par le port d’Aspe pour traverser la terre des Basques.

    Et pourtant ce pays de piémont organisé par vallées, « boisé, montagneux, dépourvu de pain, de vin et de toute nourriture substantielle » (Liber Sancti Jacobi), ne favorise guère l’installation de grandes structures hospitalières. Naissent de petits hôpitaux qui, recevant « les pauvres, les pèlerins et les voyageurs », s’égrènent en direction de Roncevaux et aident au passage des Pyrénées. Au service de ces modestes maisons hospitalières, des donats forment des communautés au statut hybride, à la fois laïque et religieux dont le mode de fonctionnement va, en terre basque, subsister en partie jusqu’à la Révolution. L’ouvrage révèle une organisation complexe où se croisent les influences des Bénédictins de Sorde, des Prémontrés, de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. L’auteur, étayant ses propos de documents précis, met en lumière les conflits d’intérêt, les rivalités, mais aussi le grand élan de générosité déployé au service des indigents, des pèlerins, des étrangers.

    Médecin de campagne et marcheur infatigable, le Dr. Clément Urrutibéhéty a sillonné une région au réseau de chemins encore intact avant qu’il ne soit dénaturé par les remembrements et engins de chantier. Il s’est méticuleusement attaché à relever la mémoire collective et les traces d’un pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui a longtemps persisté au Pays Basque. Il a pu sauver de l’oubli de nombreux éléments patrimoniaux actuellement disparus. Enfin et surtout, une solide formation classique, doublée d’une curiosité insatiable lui ont permis de compulser et de transcrire de façon systématique les archives du département mais aussi celles de Roncevaux et de Navarre concernant la terre « d’Ultrapuertos ». Ses travaux, aussitôt reconnus, ont fait de lui un des pionniers qui, à partir des années cinquante, se sont intéressés au pèlerinage et l’ont mis en valeur. C’est ainsi qu’il devint président fondateur de notre association en 1991.

    L’auteur a rassemblé le fruit de ses recherches à Saint-Palais dans le musée de Basse-Navarre et des chemins de Saint-Jacques, mettant ses connaissances à la disposition du plus grand nombre. Il manquait à son œuvre la parution en français de ses travaux majeurs. Ceux-ci avaient été édités en espagnol sous le titre Casas Ospitalia. Diez siglos de Historia in Ultrapuertos, par le biais de l’Institution « Principe de Viana », en 1983.

    Grâce à l’assiduité de sa fille Christine Delage et la volonté de notre association, nous avons l’honneur de publier cette œuvre. Les textes, revus et augmentés par l’auteur, apportent ses réflexions les plus récentes sur ce sujet et contribueront à aider tous ceux qui se passionnent pour l’histoire de ce pèlerinage et pour le passé de la Basse-Navarre.

    Dr. Bertrand Saint-Macary