Ce que le Chemin de Compostelle m’a apporté personnellement

Au départ, Christian, un ami, m’avait dit que faire le Camino est une expérience avec une triple dimension : Apprendre à se connaître soi-même, A entrer en relation avec Dieu. A s’ouvrir aux autres. Je suis pleinement d’accord et j’en rajouterais une quatrième, vécue intensément : La " communion " avec la nature.

Pour ma part, j’ai pris conscience progressivement de ce qu’était pour moi, en France le " Chemin " et en Espagne le " Camino " vers Compostelle. J’ai découvert qu’en réalité, plutôt que de faire le Chemin vers Compostelle, ce qui aurait peut-être été le cas si j’avais prévu soigneusement toutes mes étapes, si j’avais établi tout mon programme en ne laissant rien au hasard, j’étais dans une démarche tout à fait différente. En effet, depuis le départ, je ne faisais que suivre les flèches d’un itinéraire auquel j’avais décidé de m’abandonner, sans jamais savoir exactement ce qui allait m’arriver. Ce n’était pas moi qui prenais le Chemin, comme dans une attitude de possession et je sentais que tout irait bien si je considérais que c’était le Chemin qui me conduisait. Et peu à peu ce Chemin m’apparaissait comme pouvant avoir des attributs, tels ceux que que pourrait avoir une Personne. Dans toute cette aventure je n’ai pratiquement rien décidé, sauf de continuer à mettre un pied devant l’autre et encore.. qui sait ? Tout ce qui m’est arrivé : les expériences, les épreuves, les doutes, les joies, les souffrances, les rencontres, les découvertes, je les ai en quelque sorte reçus du Chemin auquel j’avais décidé de m’abandonner. Ce Chemin qui durant quarante jours n’a jamais cessé de me parler.
Dès lors m’apparaissait avec évidence ce sentiment profond : " Ce n’est pas moi qui prends le Chemin. C’est le Chemin qui me prend et qui me conduira, si Dieu le veut, jusqu’au bout ou peut-être seulement jusqu’à la moitié. Et je sentais que tout ce que me donnerait le Chemin, je devrais l’accepter avec confiance, car c’était là, la véritable attitude du pèlerin. On comprend mieux alors pourquoi je préfère écrire " Chemin " ou " Camino " avec une majuscule.
La nature d’une personne est quelque chose de très difficile à changer. Nous avons tous des compulsions, qui sont le fait de notre caractère, de la façon dont s’est construite notre personnalité.
Parfois à la suite d’une épreuve personnelle, d’un deuil ou d’une souffrance quelconque il y a comme un choc qui peut (bien que pas toujours) se révéler positif et provoquer en nous un sursaut, un changement salutaire.
Des retraites pourront aussi se révéler très efficaces.
Faire le Chemin de Compostelle, en pèlerin, est un excellent moyen pour parvenir à changer en nous quelque chose, pour plusieurs raisons :
1°) parce que cette expérience s’inscrit dans la durée. Deux mois environ en partant du Puy.
2°) parce que notre psychisme étant en étroite relation avec notre corps, une activité physique aussi intense avec des efforts soutenus, une volonté toujours tendue, auront creusé en nous un désir qui s’étant inscrit dans notre chair (par les ampoules, la fatigue de la marche...) pourra mieux y demeurer de façon efficace et définitive.
3°) parce que le pèlerin de Compostelle est en général quelqu’un qui est entré dans une relative démarche de sacrifice et de pauvreté. Il y a comme un dépouillement de soi-même ; on quitte pour un temps tout ce à quoi on est très fortement attaché. Tout ce qui nous retient, en fait, et bien souvent nous empêche de prendre le temps et de nous ouvrir aux autres : la télévision, les journaux, l’ordinateur...On abandonne pour un temps sa famille, ses loisirs, et on accepte à l’avance toutes sortes de petites contrariétés.

Pour mesurer en nous les fruits d’un pèlerinage à Compostelle il faudra voir si ceux-ci se confirment dans la durée.
Pour ma part, aujourd’hui je ressens une plus grande capacité à prendre du recul et à relativiser les choses.
Est-ce le fait de ne jamais savoir si je serais contraint à l’abandon le jour suivant ? Et cela de façon répétée durant plus de 1000 km ? Ou bien plus simplement d’avoir décroché pendant quarante jours d’un travail dont j’avais dû confier la responsabilité à d’autres ? Aujourd’hui je sens plus de facilité à me détacher. Faire ce qui est à faire et rester serein dans l’adversité.

. Ne serait-ce que cela, pour moi c’est déjà beaucoup.

Ce Chemin, j’aimerais en faire découvrir les différents visages.